dimanche 25 octobre 2009

Trottinette et viande de cheval, triple bise et vol à la tire


Aujourd'hui, je voudrais vous soumettre une petite compilation de particularités helvétiques. Même si je m'y suis progressivement habitué, elles demeurent intriguantes pour l'étranger que je suis.

- la trottinette : en Suisse, il s'agit d'un moyen de transport utilisé par des adultes, et pas seulement un jouet destiné aux enfants ou un loisir pour les fans de sports de glisse. Il est ainsi courant de voir à Lausanne des personnes qui se déplacent en trottinette dans la ville. Mon colocataire, par exemple, se déplace régulièrement de la sorte. Par rapport à la marche à pied, cela permet un gain de temps, et l'objet n'est pas très encombrant. Je n'ai pas encore aperçu de cadre supérieur en costume cravate allant travailler en trottinette, mais j'attends mon heure.

- la viande de cheval : fait étrange, on mange beaucoup de viande de cheval en Suisse. On pourra trouver facilement un steak de cheval au restaurant, et il est courant de voir des "boucheries chevalines". Je n'ai personnellement jamais mangé de viande de cheval, dans ma tête cela fait un peu animal domestique, c'est comme si je mangeais mon chat... bizarre docteur?

- la triple bise : se dire bonjour, voilà quelque chose d'extrêmement culturel, rien de neuf sous le soleil. On connaissait la bise unique des belges, la double bise des français, les embrassades des nord-américains, le baiser sur la bouche des russes, le salut chinois avec les mains jointes ; voici la triple bise suisse. Elle n'est pas facile à attraper et demande un peu de coordination de la part des deux protagonistes. Personnellement, j'ai du mal à savoir si l'on peut parler entre les bises. Par exemple, la première fois que je recontre quelqu'un, ça donne : salut-smoutch-Etienne-smoutch-smoutch-enchanté.

J'ai opté pour le placement du prénom entre la première et la deuxième bise, mais je suis ouvert à toute proposition alternative.

- les objets trouvés : le rapport du Suisse à la propriété d'autrui est assez exemplaire. Si d'aventure vous perdiez quelque chose à Lausanne, ne désespérez pas. Retournez à l'endroit où vous pensez avoir perdu l'objet et souriez, car bien souvent, vous verrez cela.

Je me suis longtemps interrogé sur la signification de ces gants, écharpes voire même trousseaux de clés (sic!) placés en évidence à un arrêt de bus ou sur un banc public. L'explication est simple : les personnes qui les trouvent les ramassent afin que les distraits concernés puissent les récupérer! Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, c'est assez nouveau..

D'une manière générale, il me semble que les Suisses sont plus respectueux des affaires d'autrui (et moins voleurs) que d'autres peuples. Simplement une question de niveau de vie? Quand on a les moyens de payer une piscine on ne va pas voler le vélo de son voisin? Ce respect n'est toutefois pas sans limite ; si vous laissez traîner votre portefeuille en rue, vous le retrouverez probablement plus léger.

Ainsi dressé, le tableau semble idyllique, mais il y a quand même un petit effet pervers : celui de s'habituer à cette sécurité. En effet, si vous allez visiter d'autres contrées plus "hostiles" (Barcelone, par exemple), vous vous rappelerez bien vite que ce n'est qu'en Suisse qu'on vole peu - et qu'ailleurs, il faut vigilance garder... à bon entendeur!

mardi 6 octobre 2009

Petite histoire de presse belgo-suisse

Article paru le 30/09/2009 sur le LausanneBondyBlog.

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Vendredi dernier, une discussion houleuse a eu lieu sur le site internet du journal belge francophone Le Soir. Intervenants : des belges, supporters de Justine Henin et… un suisse, journaliste au Temps. Décryptage.


Chronologie de l’affaire, qui s’est déroulée la semaine dernière en trois temps.

Temps 1 : l’annonce en fanfare, mardi 22 octobre. Justine Henin, joueuse de tennis belge de 27 ans, annonce sur retour sur les courts. Elle avait surpris tout le monde en se retirant un an et demi auparavant, mettant un terme à une courte carrière au palmarès impressionnant : 41 titres, 7 victoires en Grand Chelem dont 4 à Roland-Garros, no 1 mondiale, médaille d’or aux Jeux Olympiques d’Athènes en 2004, etc. La championne déclare avoir perdu l’envie de jouer et affirme qu’elle ne reviendra pas. L’annonce de son retour, mardi passé, en fut d’autant plus surprenante. La presse s’est littéralement jetée sur l’information et l’a relayée abondamment. Il faut dire que Justine, tout autant bussiness-woman que sportive, avait mis les petits plats dans les grands. Elle avait créé un évènement médiatique à la hauteur de son talent tennistique, en s’invitant sur le plateau de l’une des deux grandes chaînes francophones belges, RTL-TVI. Cela faisait comme un communiqué royal, avec plus d’audience. Rien d’étonnant : en Belgique, Justine Henin est l’une des grandes sportives de ces dernières années, avec Kim Clijsters (au come-back récent elle aussi) et Tia Hellebaut (athlétisme). Pour le reste, comme en Suisse, il ne faut pas compter sur l’équipe nationale de football pour faire rêver les Belges… Bref, toute la presse belge était en émoi. Pour vous faire une idée, imaginez l’effet qu’aurait en Suisse l’annonce de l’arrêt à la compétition de Federer…

Temps 2 : l’article incendiaire, mercredi 23 octobre. La presse internationale saisit l’info et la diffuse. La Suisse n’est pas en reste : au Temps, un article est publié dans l’édition du jour. Signé par Christian Despont, journaliste sportif, il est intitulé : « Tiens, revoilà Justine Henin… ». Son contenu est pour le moins iconoclaste : l’auteur rappelle le divorce de la joueuse, relate des suspicions de dopage et décrit une femme « solitaire et désœuvrée » qui a « erré dans tous les lieux communs de l’existence ». L’article entend faire le portrait d’Henin, sans rien cacher, en tentant de saisir la complexité du personnage.

Temps 3 : le chat houleux, vendredi 25 octobre. La presse belge ne rate pas l’article, et le diffuse. « Voilà une vision toute particulière de notre championne ! » Les réactions des lecteurs sont directes. Elles sont si nombreuses que le Soir voit là une occasion de prolonger le « buzz ». Et pour ce faire, quoi de mieux qu’un chat avec l’auteur de l’article ? Cela promet du virulent, du tendu, de l’émotionnel, bref, tout ce qu’on aime. Pendant une heure, partisants et opposants de la joueuse ou tout simplement personnes neutres, se sont adressés au journaliste du Temps. Au final, on n'y apprend pas grand-chose : le but était de faire un portrait de la joueuse, il n’y avait pas d’objectivité possible, il n’a pas été prouvé qu’Henin se dopait, etc.

Alors, que retenir de tout cela ? Il faut bien le concéder, l’affaire n’est pas des plus essentielles. Pendant ce temps-là, les dirigeants de ce monde étaient réunis à New York pour discuter de l’avenir de notre planète, en préparation de la prochaine Conférence sur le climat à Copenhague. Mais le caractère belgo-suisse de ce pet médiatico-médiatique m’a fait sourire… l’occasion était trop belle, je ne pouvais la laisser passer !
Gardons tout d’abord bien à l’esprit le statut de ces quelques lignes : l’article que vous êtes en train de lire est un commentaire sur des réactions de lecteurs suite à un article écrit par un journaliste suisse sur le retour de Justine Henin à la répétition… Ceci étant dit, il semble que le journaliste suisse a profité de sa distance pour présenter la joueuse sans ambages, ce dont la presse belge généraliste n’est pas capable. Ce week-end, le battage médiatique était toujours en cours. Tout le monde officie à la grand-messe médiatique du moment, et peu de monde peut se permettre de critiquer franchement, ce qui reviendrait à se tirer une balle dans le pied.

Peu importe si les arguments de Christian Despont sont justes. Ce qui est intéressant, c’est que le Soir a réussi à le récupérer pour faire durer le buzz plus longtemps. « Contre Justine ? Ok, pourvu qu’on en parle ! ». Et le pari fut gagnant : vendredi, sur le site internet du quotidien, le chat était annoncé dans les gros titres, et l’audience était au rendez-vous, ne fût-ce que les nombreuses personnes qui ont participé pendant une heure au débat… Votre serviteur contribue d’ailleurs lui-même à alimenter ce buzz, en écrivant ces lignes. De l’info sur l’info sur l’info… Si l’avenir du monde n’est pas ici en jeu, la situation illustre néanmoins les nouveaux moyens de faire presse : toute cette saga s’est déroulée sur les sites internet des quotidiens, et la mise en place si rapide d’un débat sous forme de chat n’a été possible que parce que tout se faisait en ligne.

Bon, tout ce qu’il faut espérer du point du vue du supporter neutre, c’est qu’Henin revienne bien et développe un beau jeu. Il faut espérer, également, que ce retour ne fera pas baisser sa cote de popularité plus qu’autre chose. Car le show médiatique que la Rochefortoise a orchestré en a fait jaser plus d’un en Belgique (il aurait peut-être été considéré plus légitime de la part d’une Serena Williams outre-Atlantique). Il a renforcé l’image de la joueuse comme une femme d’affaire pour laquelle le tennis c’est (aussi) du business. Espérons aussi, finalement, que l’affaire ne ternira pas les relations diplomatiques entre Berne et Bruxelles. Entre deux petits pays champions de tennis et zéros en foot, il faut se serrer les coudes ! Rassurons-nous : aussi réussi que sera son retour, Justine ne pourra théoriquement jamais battre Roger… ouf.
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